Les enjeux du retour au sol des matières
La valorisation agricole des excrétats humains est un sujet de plus en plus important dans un monde de plus en plus changeant. Un monde sujet à des risques en cascade pouvant mettre en péril les systèmes alimentaires mondiaux, aujourd’hui peu résilients.
La gestion de l’eau, notamment en milieu urbain, est aussi l’un de ces domaines extrêmement importants, pour lesquels la plupart des gens supposent que des technologies « appropriées » (ie. Assainissement conventionnel, réseaux et stations, etc.) existent et qu’il suffirait de les mettre en œuvre. En réalité, ce n’est pas le cas, et de nombreuses choses sont à ré-inventer.
Afin de créer un avenir plus soutenable et plus résilient, plusieurs priorités et domaines d’intérêt doivent être abordés afin de promouvoir la valorisation des excrétats humains, matières dont il faut prendre soin tant elles constituent des ressources précieuses.
Tout d’abord, la restauration des cycles biogéochimiques, de l’azote et du phosphore, doivent être au cœur des stratégies de valorisation des excrétats et en particulier des urines car ces nutriments sont essentiels à la croissance des plantes. Ils jouent un rôle crucial dans les écosystèmes (terrestres et océaniques) et dans les agro-systèmes soutenant tout système alimentaire.
Deuxièmement, le retour aux terres cultivées des nutriments issus des excrétats mérite d’être considérée de façon intégrée à une transition écologique plus large des systèmes agricoles. Par exemple, il s’agit aussi de replacer les sols au centre des systèmes de production, de mettre en avant l’autonomie des fermes pour le maintien de la fertilité de leurs terres, et pas seulement de substituer des engrais de synthèse par des engrais « biosourcés » tels que l’urine.
Troisièmement, des questions politiques majeures entourent la distribution, la circulation et l’appropriation (ou ré-appropriation) de la valeur des excrétas humains ; celles-ci doivent être abordées afin de s’assurer que cette ressource n’est pas sous-évaluée, mal utilisée ou accaparée. Ces excrétats méritent en effet d’être considérés comme un bien commun dans la mesure où sa bonne gestion représente une est source de résilience collective, en lien avec plusieurs besoins essentiels (alimentation et protection des ressources en eau).
Enfin, des changements culturels sont nécessaires pour surmonter les tabous qui entourent les « déchets » humains et ainsi réussir à promouvoir une gestion plus vertueuse de ces matières. Cela concerne une grande diversité d’acteurs : habitant(e)s, agriculteurs-ices, acteurs-ices de l’aménagement du territoire, élu(e)s, etc.
En abordant ces différentes priorités et domaines d’intérêt, nous pouvons, chacun à notre niveau, contribuer à la promotion de la valorisation des excrétats humains et ainsi redonner sa valeur à cette ressource précieuse.
Ces changements peuvent en fin de compte conduire à un avenir plus soutenable et plus résilient, en réduisant les émissions de gaz à effet de serre, la dégradation des milieux aquatiques, la dépendance aux engrais synthétiques… tout en créant une ressource précieuse pour l’agriculture.
1 – Boucler les cycles des nutriments : Azote, Phosphore, Potassium et compagnie
2 – Participer à la fertilité des sols vivants : pour une approche agro-écologique
3 – Gérer collectivement une ressource commune : un enjeu politique
4 – Accompagner les transformations culturelles
5 – La séparation à la source des urines : quezako ?
1 – Boucler les cycles des nutriments : Azote, Phosphore, Potassium et compagnie
Si le public prend conscience de l’importance vitale de ce qui se passe en matière de climat et de biodiversité, l’importance et la résilience face aux perturbations des cycles de l’azote et du phosphore restent plus ou moins mystérieuses.
Pourtant, les cycles de l’azote et du phosphore sont une des 9 limites planétaires identifiées par le Stockholm Resilience Institute ; au même titre que le changement climatique. Mais premièrement, cette limite est dans un état bien plus alarmant que le changement climatique. Deuxièmement, l’ensemble des systèmes alimentaires sont dépendants de ressources dont l’approvisionnement pérenne est loin d’être assuré.
2 – Participer à la fertilité des sols vivants : pour une approche agro-écologique
Les sols jouent un rôle majeur dans la fourniture des services et biens aux humains par les écosystèmes. Situés à l’interface entre l’atmosphère, la lithosphère, l’hydrosphère et la biosphère, ils participent aux grands cycles nécessaires à la vie sur Terre : cycle de l’eau et des nutriments (carbone, azote, phosphore…). Ils supportent la plupart des systèmes de production agricoles.
Des machines et des outils agricoles toujours plus lourds et qui travaillent profondément, souvent jusqu’à 25 à 30 centimètres, perturbent l’écosystème souterrain. La terre manipulée à outrance est trop aérée, elle s’assèche plus vite, et le travail des bactéries et champignons qui s’y trouvent est perturbé. Ainsi, les méthodes de l’agriculture intensive détériorent la qualité des sols.
3 – Gérer collectivement une ressource commune : un enjeu politique
Dans les élans de promotion de l’économie circulaire des nutriments, il est question d’inciter chaque habitant à « faire don » du produit de sa digestion. Si les déjections sont reconnues comme une ressource, avec qui est-il question de les partager ? Avec qui et comment voulez-vous partager le produit de votre digestion ?
Ces impensés politiques conditionnent pourtant profondément la manière de penser toute filière de valorisation des urines.
4 – Accompagner les transformations culturelles
Avec un rapport à l’eau toujours plus artificiel : robinets, douches, tuyaux, stations, etc. L’eau – « naturelle » – a disparu des mémoires. L’invisibilité de la gestion des eaux mène à une incompréhension des populations et des politiques.
La chasse d’eau évacue si simplement nos excrétas que nous avons fini par les oublier ainsi que tous les enjeux gravitant autour.
Commençons par un constat de départ. Pour parler d’assainissement écologique, il faut parler pipi-caca. Or les adultes ont clairement un problème avec ça.
Des changements culturels à tous les niveaux sont nécessaires pour surmonter le tabou entourant la séparation des urines et réussir à promouvoir cette pratique.
5 – La séparation à la source des urines : quezako ?