Ils le font ! Ils en parlent !
En France et à travers le monde, les limites liées à la circularité des nutriments font l’objet de communications de plus en plus nombreuses, et de plus en plus alarmantes.
En parallèle, des projets concrets et de plus en plus conséquents émergent. Cette page liste quelques expériences notables en France et dans le monde (Ils le font !) et partage quelques articles qui parlent de ces sujets (Ils en parlent !).
Voir la lettre InfoCAPI n°14 : Renversement de vapeur ?
Ils le font !
Les enjeux autour de la séparation à la source des urines ont percolé à de très nombreux niveaux. D’abord sous une démarche d’assainissement écologique et notamment d’économie d’eau liée aux chasses d’eau, de nombreux projets concrets de toilettes sèches ou séparation à la source des urines ont été réalisé. Aujourd’hui, et pour Circulus, c’est aussi et surtout la circularité des nutriments, au sein des « systèmes alimentation-excrétion »
Retrouvez une carte des projets identifiés en France : voir carte OCAPI
# Publication d’une carte : état des lieux des projets urbains de séparation à la source des excrétats
Le nombre total de toilettes sèches en France se chiffre en dizaines de milliers, principalement installées chez des particuliers, sur l’espace public et en sites isolés, ou encore déployées temporairement pour l’événementiel.
Les installations de collecte sélective des excrétats humains (toilettes sèches, urinoirs secs, toilettes séparatives à eau) se développent aujourd’hui à un rythme soutenu et, depuis une dizaine d’années, de manière croissante en contexte urbain. Elles touchent également de plus en plus de bâtiments collectifs.
Depuis 2018, nous avons tenté de documenter cette dynamique, en France, mais aussi en Suisse Romande, en lien avec la mission d’animation qui nous est confiée par l’Agence de l’Eau Seine Normandie. La carte ci-dessous (non exhaustive) référence une partie de ces projets urbains et collectifs (ceux dont nous connaissons l’existence).
N’hésitez pas à nous informer de projets, en contexte urbain et/ou collectif, dont nous n’aurions pas connaissance ou en cas d’inexactitudes repérées : ocapi – AT – enpc.fr
Merci !
Pour télécharger la carte et la liste des projets référencés :
Etat des lieux des projets urbains de séparation à la source des excrétats en France et Suisse Romande. A. Joveniaux, 2023
Exemples de projets dotés de systèmes de séparation à la source
Ci-après sont présentés quelques exemples dotés de systèmes de séparation à la source, issus de différents contextes européens développés des années 1990 à aujourd’hui. Ces exemples, qui concernent des bâtiments de logement collectifs et des établissements recevant du public, sont présentés ici en fonction du type de séparation à la source mis en œuvre (cf. figure 2).
NB : Les dates mentionnées correspondent à l’année de mise en service du système de séparation à la source, quand disponible.
Jenfelder Au, Hambourg, Allemagne, 2017
L’entreprise publique Hamburg Wasser (responsable de l’eau potable et de l’assainissement de l’agglomération) a mis en œuvre à Jenfelder Au le concept de quartier Hamburg Water Cycle®. Le quartier vise à accueillir 2 000 habitants, avec 835 logements, sur 35 ha. C’est le plus grand projet de séparation à la source d’Europe. Les eaux ménagères sont collectées par un réseau gravitaire et pompées vers une station décentralisée où elles sont traitées par lit bactérien puis rejetées vers le plan d’eau où sont aussi collectées les eaux pluviales. L’eau ainsi collectée est utilisée pour l’arrosage en plus d’assurer des fonctions paysagères. Les eaux vannes sont pompées sous-vide vers une station de traitement implantée dans une zone d’activité. Elles y sont traitées par méthanisation. Le biogaz généré alimente une unité de cogénération, pour la production de chaleur et électricité.
Schéma de fonctionnement du système d’assainissement de Jenfelder Au (traduction).
(Source : M. Legrand d’après Hamburgwatercycle)
Ecole primaire de Saint-Germé (Gers), France, 2012
Première école publique intégralement équipée de toilettes sèches et urinoirs secs en France, l’école de Saint-Germé (communauté de communes d’Armagnac-Adour) accueille 60 enfants et 10 adultes. Les urines et matières fécales sont collectées via 7 toilettes sèches à séparation gravitaire et 5 urinoirs secs. Elles sont dirigées vers une salle de compostage sous les sanitaires qui comprend 4 composteurs. Les lixiviats, ainsi que les eaux ménagères, sont dirigés vers un assainissement par filtre planté. La vidange des composteurs est prévue pour être effectuée tous les 7 ans (soit tous les 400 000 passages).
Urinoirs secs de l’école primaire.
(Source : Mairie de Saint-Germé)
Refuge d’Ayous, Laruns (Pyrénées Atlantiques), France, 2020
Ouvert toute l’année, et situé à près de 2000 m d’altitude, ce refuge d’Ayous, situé dans le Parc National des Pyrénées a une capacité d’accueil de 47 places en saison. Il est équipé de 4 toilettes sèches au rez-de-chaussée accessibles depuis l’intérieur du bâtiment, et 1 depuis l’extérieur en toute saison. Ces toilettes sèches unitaires gravitaires sont reliées à trois composteurs à l’étage inférieur (cuve maçonnée en contact avec le sol). La vidange des composteurs est prévue pour être effectuée tous les 600 000 passages. Les eaux ménagères sont traitées par un système associant filtres plantés et filtres à broyat de bois (8 tranchées fonctionnant en alternance deux par deux).
Bloc sanitaire du refuge d’Ayous.
(Source : Ecocentre Pierre et Terre)
Centre de loisirs Félix Eboué de Rosny-sous-Bois (Seine-Saint-Denis),
France, 2020
Ce centre de loisirs (maternelle et élémentaire, capacité d’accueil de 180 enfants) a été construit en suivant des principes de faible impact environnemental et sobriété énergétique. L’équipement du bâtiment en toilettes sèches s’intègre dans un projet global : construction bois-paille, récupération de l’eau de pluie, matériaux bio-sourcés, etc. Le bâtiment comprend, au rez-de-chaussée, 11 toilettes sèches unitaires reliées à un composteur au sous-sol. S’y ajoutent 6 toilettes à eau au premier étage. Le compostage des matières s’effectue en sous-sol. Les lixiviats sont dirigés vers l’égout, de même que les eaux ménagères. La valorisation du compost est prévue sur les espaces verts de l’établissement.
Vue d’ensemble (a) et toilettes sèches (b) du centre de loisir F. Eboué.
(Source : Juan Sepulveda LT)
Understenshöjden, Stockholm, Suède, 1995
Cet éco-village est un des pionniers suédois de la collecte sélective des urines. Situé dans la ville même de Stockholm, sa construction s’est achevée en 1995. Il comprend 44 logements et 160 résidents rassemblés au sein d’une association de propriétaires et locataires. Les choix techniques ont été faits par les résidents eux-mêmes. Chaque maison dispose d’une ou deux toilettes à séparation raccordées à un réseau commun de collecte des urines qui sont drainées vers un lieu de stockage aval constitué de 2 citernes de 40 m3 chacune. La gestion du système est hydraulique : quand la première cuve est remplie, l’urine se déverse dans la suivante. La collecte annuelle des urines est effectuée par un agriculteur pour fertiliser des cultures céréalières. Le reste des effluents (eaux brunes, eaux ménagères) est aujourd’hui raccordé au réseau municipal.
Schéma du système de traitement des eaux usées d’Understenshöjden (traduction).
(Source : M. Legrand d’après Kim Gutekunst)
Ecovillage Munksøgård, Roskilde, Danemark, 2000
Il s’agit d’un projet communautaire autogéré de lotissement écologique construit en 2000. Il compte 100 maisons réparties en 5 groupes avec environ 225 habitants. Les maisons sont équipées avec une ou deux toilettes à séparation. Les urines sont collectées par îlot vers 4 réservoirs (volume annuel collecté 150 m3). L’urine est vidangée deux fois par an et exportée pour usage agricole. Elle est également utilisée sur place en jardin potager. Le traitement des eaux ménagères et eaux brunes est effectuée à l’aide d’une fosse septique associée à un filtre à sable.
Vue d’ensemble des bâtiments d’habitation de l’écovillage.
(Source : Arne Backlund)
Habitat participatif Au clair du quartier, Grenoble, France, 2017
Dans cet immeuble en habitat participatif en centre-ville, les 5 logements sont équipés de toilettes sèches séparatives. Les urines et eaux ménagères sont évacuées au tout à l’égout. Les matières fécales sont transportées par les habitants depuis les logements jusqu’au lieu de compostage dans le jardin commun. L’immeuble comprend également un studio partagé/chambre d’amis avec sa SDB attenante équipée d’un WC à chasse d’eau.
a) Immeuble d’habitat participatif Au Clair du Quartier à Grenoble, équipé de toilettes sèches séparatives.
(b) Toilettes sèches séparatives installées dans chaque logement.
(Source : B. de Gouvello)
Habitat participatif Ecoravie, Dieulefit, France, 2017
Ecoravie est un projet d’habitat participatif habité depuis 2017, il compte 19 logements dont 11 pour les seniors répartis sur trois bâtiments. Les bâtiments sont équipés de toilettes sèches séparatives. Les urines sont évacuées au tout-à-l’égout avec les eaux ménagères, après le rejet par la commune d’un projet de filtre planté de roseaux. S’y ajoutent 2 toilettes sèches unitaires en extérieur pour les ateliers et chantiers participatifs. Le compostage des matières fécales (auxquelles s’ajoute l’urine pour les toilettes sèches unitaires extérieures) se fait sur place dans un composteur collectif. La parcelle comprend des espaces cultivés (1 ha), où le compost est valorisé au bout de 2 ans.
Projet « Water Hub », immeuble NEST, Suisse, 2016
Le Water Hub fait partie de la construction modulaire de recherche et d’innovation NEST (Next Evolution in Sustainable Building Technology) de l’Empa et de l’Eawag. Le bâtiment se compose d’appartements, de bureaux, de salles de réunion et d’un centre de remise en forme et de bien-être. Cette structure réaliste permet de tester des technologies nouvelles en conditions réelles. Les chercheurs de l’EAWAG utilisent le bâtiment pour tester des techniques de traitement durable et décentralisé des effluents. La séparation à la source des différents flux dans le bâtiment permet de valoriser nutriments, eau et énergie. Les urines sont collectées via urinoirs secs et toilettes séparatives, les eaux brunes sont également collectées séparément ainsi que les eaux ménagères. En termes de valorisation, les 3 systèmes testés sont :
› Urine : traitement par nitrification/distillation, production de l’engrais « Aurin » (système VUNA).
› Fèces : déshydratation et pressage des boues fécales pour produire de l’énergie.
› Eaux ménagères : purification biologique dans un bioréacteur à membrane puis élimination par filtration (filtre à charbon actif biologique) des substances organiques restantes. Le potentiel de récupération de l’énergie et de la chaleur des eaux ménagères est modélisé et estimé.
(*Les eaux ménagères traitées ne seront réutilisées qu’après des essais prolongés, afin de garantir une qualité adéquate).
Système de traitement Water Hub.
(Source : Water hub, EAWAG)
Coopérative d’habitat, les Vergers, Meyrin, Suisse, 2012
Ce projet d’habitat participatif a été initié par la coopérative Equilibre au sein de l’Eco-quartier les Vergers. Au sein d’une résidence de 65 logements en immeubles de 7 étages, quatre logements « pilotes » sont équipés de toilettes sèches séparatives. Les matières fécales sont traitées par lombricompostage via un système compact de toilettes sèches avec « carrousel » situé sous la cuvette. D’autres foyers sont équipés de toilettes séparatives où les urines sont collectées et traitées ensemble par nitrification et filtre à charbon actif puis stockées pour utilisation comme engrais. Les eaux ménagères sont envoyées vers le réseau d’assainissement.
Immeuble de l’Eco-Quartier des Vergers (a) et toilettes sèches à carrousel (b).
(Source : coopérative Equilibre)
Habitat participatif L’Ôôôberge, Dol-de-Bretagne, France, 2021
Le projet d’habitat participatif « L’Ôôôberge » concerne la construction de trois petits bâtiments collectifs (24 logements) équipés en toilettes sèches séparatives. Un bailleur social (Emeraude Habitation) est maître d’ouvrage de ce projet initié par une partie de ses futurs habitants, situé à Dol-de-Bretagne. Un ancien restaurant routier sera réhabilité – par les habitants – en espaces de convivialité, pouvant accueillir du public.
A partir d’un dispositif de toilettes sèches à séparation gravitaire, l’urine est collectée dans une cuve enterrée et traitée par stockage. Il est prévu qu’elle soit valorisée sur des espaces agricoles du pays de Dolde-Bretagne. Les fèces sont collectées dans un caisson ventilé à l’arrière de chaque toilette et collectées tous les six mois par un maître composteur, pour transport vers une plateforme de compostage. Les eaux ménagères sont évacuées – classiquement – vers le tout-à-l’égout.
Représentation d’ensemble du projet d’habitat l’Ôôôberge.
(Source : cabinet RHIZOME)
Ils en parlent !
En France et à travers le monde, les limites liées à la circularité des nutriments font l’objet de communications de plus en plus nombreuses, et, de plus en plus alarmantes. Cette page liste et partage quelques articles qui parlent de ces sujets (= « Ils en parlent ! »).
Des Dorayakis à partir de blé fertilisé avec des urino-fertilisants :
Pas de procès hygiéniste sur le sujet : nous n’allons pas manger des pâtisseries à l’urine ! Il s’agit plutôt d’envisager l’emploi d’un excellent fertilisant naturel, qui contient beaucoup d’azote et de phosphore, nécessaires en agriculture et de réviser la récupération des eaux usées. Ce dimanche 14 mai, la pâtisserie japonaise Tomo (2ème arrondissement) a créé l’événement pour sensibiliser le public.
Voir l’article complet : Du blé fertilisé à l’urine compose une farine qui s’invite en pâtisserie : test des Dorayakis de Tomo à la « Boucle d’Or »
Azote aux Pays-Bas : Une « crise sentinelle » !
La prise de poids politique du BBB, le parti néerlandais pro-élevage de Caroline van der Plas, a permis de mettre en lumière une crise latente pourtant essentielle : celle de la surproduction d’azote. Cette dernière nécessiterait, au-delà de politiques publiques restrictives instaurées par le gouvernement néeerlandais, de repenser un modèle productif séculaire nocif pour la biodiversité terrestre et souterraine.
Voir l’article AOC : Azote aux Pays-Bas : une crise sentinelle
Circular Metabolism Podscast
Ce podcast est produit par la Chaire en Economie Circulaire et Métabolisme Urbain de l’Université Libre de Bruxelles qui est tenue par Aristide Athanassiadis et Stephan Kampelmann. Dans ce podcast, ils discutent avec des chercheurs, des administrations et des praticiens afin d’éclaircir les différents aspects qui peuvent rendre l’économie et le métabolisme des villes plus circulaires.
Notamment les épisodes particulièrement en lien avec le sujet du bouclage des cycles urbains : la question d’une mobilité ralentie, avec Vincent Kaufmann (EPFL et Forum Vies Mobiles), la question de la dé-métropolisation du territoire dans un monde post-urbain, avec Guillaume Faburel (Université Lumière Lyon 2, Sciences Po Lyon et États Généraux du Post-Urbain), la question du bouclage des cycles azote et phosphore (en revalorisant nos excreta, et en particulier les urines), avec Fabien Lesculier (Laboratoire Leesu de l’École des Ponts), la question de la préservation du bâti et du réemploi de matériaux de construction avec Michaël Ghyoot (Rotor ASBL), la question des stocks et de l’économie des ressources, matières premières, métaux et énergies avec Olivier Vidal (Institut des Sciences de la Terre de Grenoble), la question des villes sobres et low-tech avec Philippe Bihouix (AREP), la question de la décroissance des villes avec Timothée Parrique (Université de Clermont Ferrand et Stockholm Resilience Center), etc.
Metabolism of Cities est un réseau international d’individus qui travaillent ensemble à réduire au niveau systémique l’impact environnemental des villes et territoires, de manière socialement juste et adaptée à chaque contexte. Pour cela ils répertorient, produisent, diffusent et appliquent des connaissances libres et ouvertes.
Accédez directement au podcast.
Retrouvez directement une interview de Gilles Billen (CNRS), sur la possibilité de « Nourrir la planète sans engrais chimiques ? » (Youtube)