4 – Accompagner les transformations culturelles
Transformer les modes de gestion des urines et matières fécales humaines suppose des changements culturels. D’abord, parce que faire ses besoins est un acte intime, qui renvoie chacun à son histoire personnelle, à ses gênes et dégouts. Ensuite parce qu’une culture particulière du rapport aux excréments s’est déployée en lien avec la construction des systèmes d’assainissement centralisés actuels. Celle de l’oubli, de la mise à distance.
La sensibilisation et l’éducation aux avantages de l’assainissement écologique, la séparation des urines, l’évolution de la perception culturelle des déchets, de linéaire à circulaire, la promotion de l’appropriation et de l’implication de la communauté, et le dépassement du tabou entourant les fécès et urines seront des étapes nécessaires pour mener à l’engagement et à l’acceptation du public.
Les égouts : un système d’oubli de nos excrétas
Aller aux toilettes est une activité quotidienne à laquelle on prête peu d’attention. Néanmoins, l’affaire devient cruciale, à l’heure de la transition écologique des systèmes alimentation/excrétion.
A chaque fois que nous allons aux toilettes, nous entrons en contact avec les grands cycles du vivant. Eau et matière organique, azote et phosphore circulent chaque jour en tout être humain. Mais qui y pense ? Pour la plupart de nos contemporains habitués à la toilette à chasse d’eau, appuyer sur un bouton suffit à évacuer la question. Tirer la chasse est un geste anodin qui place pourtant l’habitant au cœur de l’évolution des systèmes d’assainissement, dans un contexte de transition écologique. Les enjeux sont multiples : économiser l’eau et l’énergie, limiter l’impact sur les milieux aquatiques, recycler les nutriments et la biomasse disponibles. Ainsi, tirer parti des ressources que contiennent les « déchets » corporels humains pose de nombreux défis, y compris en termes de mode de vie.
L’étude « Aux toilettes…et après ? » menée dans le cadre du programme de recherche-action OCAPI, interroge notamment la place qu’occupent urines et matières fécales dans la vie quotidienne des urbains d’aujourd’hui. D’où vient le désintérêt dont elles semblent-faire l’objet ? En a-t-il toujours été ainsi ? La situation n’est-elle pas en train de se modifier.. à nouveau ?
Un judo avec le dégoût
Pour parler d’assainissement écologique, il faut parler pipi-caca. Or les adultes ont clairement un problème avec ça.
En France pourtant, notre humour est assez scatologique et, vu de loin, on pourrait même avoir l’impression que l’on ne parle que de ça.
Réciproquement, l’histoire occidentale est fortement marquée par celle du mouvement hygiéniste. Eau de javel, soude, pesticides. Un rapport au vivant, en particulier microbien, marqué par la lutte armée et la recherche éperdue du contrôle.
Les excréments sont devenus d’autant plus difficiles à évoquer qu’on ne les a plus jamais sous les yeux puisque la chasse d’eau permet leur disparition. Il n’y a pas besoin d’en parler. Une fois avalé par l’égout cela n’existe plus. Le seul caca dont on peut encore à la rigueur parler est celui des nouveaux nés.
Comment prendre conscience, refaire connaissance avec ces matières fertiles, qui, parce qu’elles posent aussi des questions sanitaires, demandent à être traitées avec soin ? Pour rendre le sujet sensible, perceptible et donc compréhensible, il s’agit en premier lieu de trouver de la tranquillité dans le rapport que nous entretenons avec eux. Puis, de s’atteler à développer de nouveaux imaginaires, de nouveaux récits, permettant d’assumer nos responsabilités collectives envers l’eau et les sols.
Voir : Les Français sont-ils « fécophobes » ? Faire ses besoins, une question culturelle
Voir : « Pipi » et « caca », nouvelles stars : réappropriation ou marchandisation ?
Voir : Humus humain
Voir : En Selles