3 – Les égoûts : un système d’oubli de nos excrétas – Accompagner les transformations culturelles
Plusieurs changements culturels ont été identifiés comme nécessaires pour promouvoir la séparation à la source des urines. Ces changements comprennent la sensibilisation et l’éducation aux avantages de la séparation des urines, l’évolution de la perception culturelle des déchets, de linéaire à circulaire, la promotion de l’appropriation et de l’implication de la communauté, et le dépassement du tabou entourant les urines ; et ce, devant mener à l’engagement et à l’acceptation du public. Ces changements peuvent en fin de compte conduire à un avenir plus durable et plus résilient, en réduisant les émissions de gaz à effet de serre et la dépendance aux engrais synthétiques, tout en créant une ressource précieuse pour l’agriculture.
Les égoûts : un système d’oubli de nos excrétas
Aller aux toilettes est une activité quotidienne à laquelle on prête peu d’attention. Néanmoins, l’affaire devient cruciale, à l’heure de la transition écologique des systèmes alimentation/excrétion urbains. Dans ce contexte, la question de « faire ses besoins », fondamentalement culturelle, mérite un nouvel examen.
A chaque fois que nous allons aux toilettes, nous entrons en contact avec les grands cycles du vivant. Eau et matière organique, azote et phosphore circulent chaque jour en tout être humain. Mais qui y pense ? Pour la plupart de nos contemporains habitués à la toilette à chasse d’eau, appuyer sur un bouton suffit à évacuer la question. Tirer la chasse est un geste anodin qui place pourtant l’habitant au cœur de l’évolution des systèmes d’assainissement, dans un contexte de transition écologique. Les enjeux sont multiples : économiser l’eau et l’énergie, limiter l’impact sur les milieux aquatiques, recycler les nutriments et la biomasse disponibles. Ainsi, tirer parti des ressources que contiennent les déchets corporels humains pose de nombreux défis, y compris en termes
de mode de vie c’est-à-dire, du point de vue culturel.
L’étude « aux toilettes…et après ? » menée dans le cadre du programme de recherche et action OCAPI, s’attèle à la question de la place qu’occupent urines et matières fécales dans la vie quotidienne des urbains d’aujourd’hui. D’où vient le désintérêt dont elles semblent-faire l’objet ? En a-t-il toujours été ainsi ? La situation n’est-elle pas en train de se modifier à nouveau ?
Un judo avec le dégoût :
Pour parler d’assainissement écologique, il faut parler pipi-caca. Or les adultes ont clairement un problème avec ça.
En France pourtant, notre humour est assez scatologique de même que le registre de nos jurons, et vu de loin on pourrait avoir l’impression que l’on ne parle que de ça. « Merde », « fait chier », « que des emmerdes », et encore « « je vous pisse à la raie »[1].
Réciproquement la culture française est fortement marquée par l’histoire du mouvement hygiéniste. Eau de javel, soude, pesticides. Un rapport au vivant, en particulier microbien, marqué par la lutte armée et la recherche éperdue du contrôle.
C’est un jeu de judo avec le dégout.
Il s’agit aussi de prendre conscience, de refaire connaissance avec ces matières qui chaque jour s’écoulent de nous. Pour rendre le sujet sensible, (perceptible) et donc compréhensible, il faudrait alors déjouer les pièges des écrans noirs de la pensée, les disjoncteurs.
Les excréments sont devenus d’autant plus difficiles à évoquer qu’on ne les a plus jamais sous les yeux, que la chasse d’eau permet leur disparition. Il n’y a pas besoin d’en parler. Une fois avalé par l’égout cela n’existe plus. Le seul caca dont on peut encore à la rigueur parler est celui des nouveaux nés, le caca doux doré des bébés nourris au lait.
[Ce sont] des responsabilités collectives envers l’eau et les sols.
Voir : Les Français sont-ils « fécophobes » ? Faire ses besoins, une question culturelle
Voir : « Pipi » et « caca », nouvelles stars : réappropriation ou marchandisation ?
Voir : Humus humain
Voir : En Selles