1 – Ré-appropriation ou marchandisation – Mutualisme au sens organisationnel, politique (communs, territoires, filières, circuits courts)
Dans les élans de promotion de l’économie circulaire des nutriments, il est question d’inciter chaque habitant à « faire don » du produit de sa digestion. Si les déjections sont reconnues comme une ressource, avec qui est-il question de les partager ? Avec qui et comment voulez-vous partager le produit de votre digestion ?
Ces impensés politiques conditionnent pourtant profondément la manière de penser toute filière de valorisation des urines.
Parler ouvertement de la merde et de sa valeur, au-delà de la provocation de base, est-ce un acte de rébellion, au sens d’un acte qui permet en lui-même de défaire l’étau du capitalisme extractiviste ?
Pour certains partisans de l’assainissement écologique, par exemple des associations inscrites dans le courant de l’éducation populaire, c’est effectivement le cas. Voici le mot d’ordre : « Nous ne donnerons plus notre caca aux industriels. Car il nous appartient. Et il nous appartient d’en faire quelque chose de bien ».
Revendiquer, c’est se rendre responsable, reprendre une prise. Et pour cela il est nécessaire de représenter. C’est un jeu de judo avec le dégout.
L’assainissement écologique n’est pas une pure question technique. Il s’agit aussi de prendre conscience, de refaire connaissance avec ces matières qui chaque jour s’écoulent de nous.
Selon cet angle de vue, ce qui est dégoutant, ce n’est pas la merde, c’est le système d’assainissement centralisé conventionnel, la gestion de ce qu’on appelle improprement le « petit cycle de l’eau », et plus largement, les infrastructures du système de production thermo-industriel. Cet ogre qui transforme les montagnes, les rivières et les sols d’une part en argent, d’autre part en tombereaux d’ordures. C’est le corps humain lui-même assimilé à un ogre insatiable qui participe, branché sur l’égout, à cette entreprise de destruction et de souillure assise sur le culte de la valeur ajoutée. Cet ogre, ce monstre qui chie littéralement de l’argent.
Extrait de Eric Sabot, La pratique du compost et des toilettes sèches
Pour en savoir plus, voir : Pipi et caca superstars : entre réappropriation et monétarisation